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LAURENCE PYTHOUD

OLIVIER CANTENYS

L'ENVOLEE


Olivier Cantenys est peintre. Représenter le monde n’est pas le but de sa peinture ; mais l’exprimer, en revanche, et en faire partager l’émotion, l’occupe tout entier. Baigné dans le milieu cinématographique, "enfant de la balle", comme il aime à se définir, c’est tout naturellement qu’il entra à l’école des Beaux-Arts. Il peint beaucoup, sur bois, sur toile ; il s’adonne au pastel où la lumière diffuse de la couleur même sur le fond blanc.

Car la lumière, dans le travail de Cantenys, sourd dessous les pigments, mais aussi et surtout, elle émarge le cadre du tableau, vers – ou de – l’extérieur. Ainsi l’image n’est-elle pas fin en soi, mais le début de quelque chose, et sa participation à ce qui l’entoure ; un moment où la matière prend sens au cœur du chaos, où l’envolée est possible. "La vie est tout ce qui m’intéresse. Je hais la peinture de mort" dit-il. Le mouvement s’inscrit dans le support même, taillé dans le temps, pour imprimer au magma coloré sa réalité et sa tension. S’il y a des couleurs, celles des terres et des pierres, réinventées à partir de l’univers minéral, si elles se chevauchent, investissant totalement le support, présentes, fortes, elles ouvrent des profondeurs par des transparences jusqu’à l’infini dans le tableau. La matière ne s’impose pas en tant que telle ; elle ne vient pas au devant ; elle se fond ensemble, au contraire, en un point de fuite. Et comme une invitation.

D’abord il y a le blanc et le noir qui se nouent, s’affrontent ou s’unissent, rythmant la toile en un mouvement binaire. Alors tout peut commencer et les couleurs arriver. La peinture s’élève, s’enflamme, s’envole. La musique fait partie du quotidien d’Olivier Cantenys. Il en écoute souvent ; elle l’inspire ; il s’en sert. Du baroque à la musique répétitive, il en pressent les connexions avec sa peinture, et les met en couleurs et en mouvements. Avec des poudres, des pigments, du fusain, il donne forme, trace, écrit, car le signe peut être ici écriture, l’émotion picturale pure, qui n’a pas peur d’affirmer que la peinture existe, sans besoin de référents concrets ni d’autocensure. "Rien de pire pour un peintre que de s’interdire la couleur, vous ne croyez pas ?" questionne-t-il en riant. Volubile comme sa peinture est prolifique et généreuse, Olivier Cantenys offre un univers à la fois tellurique, lyrique… et tonique.



Laurence Pythoud

Article extrait de la revue Cimaise (n°238 nov-déc 1995)
(Galerie Bellint, Paris)